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C’est pas normal, mais alors, pas normal du tout !
C’est peu dire que la situation de confinement actuelle est hors norme. Mais pour moi qui ai pris l’habitude de qualifier la vie, les routines, les valeurs hors du Chemin comme majoritairement anormales par rapport à l’évidence humaine – même imparfaite - du Chemin, c’est le summum !

M’abstenir, ici et maintenant, de coller trois bises à mes amis, devoir trinquer avec mes complices d’apéro par écran interposé, mettre un gant pour apporter à mes voisins une tranche de tarte (de Santiago, évidemment !) à peine sortie du four, m’entendre dire qu’il faut "s’abstenir de multiplier les petits messages d’affection ou de rigolade pour ne pas encombrer les canaux de communication dédiés à la bonne marche de l’entreprise", pour ne citer que ces exemples, tout cela est à l’opposé de ma nature.

Alors imaginer que, demain, sur le Chemin, il faille m’abstenir de prendre dans mes bras le pèlerin à qui les larmes seraient montées aux yeux au détour d’une confidence, réfléchir à deux fois avant de partager le même bock de bière à plusieurs à l’arrivée au gîte, hésiter à mettre les mains (la paire de mains de chacun) à la pâte (la même pâte pour tout le monde) pour préparer un repas en commun, ou me sentir plus dérangée par un pèlerin qui tousse que par un pèlerin qui ronfle…

Voilà mon inquiétude de confinée : que l’Über-Anormalität de la situation actuelle déteigne sur la normalité du Chemin.
Certes, l’optimisme me chuchote à l’oreille que l’ordre – normal - des choses finira par reprendre ses droits, une fois que le temps – la mémoire courte aidant - aura fait son œuvre. Mais quand ?

Alors, là, confinée, ignorant si je suis corona-négative ou corona-asymptomatique, sans fièvre, je suis prise d’une certaine fébrilité : l’impatience d’aller prendre la température du Chemin. Bien sûr, je vais mettre mon questionnement en sourdine jusqu’à un retour de la situation à la normale. Ce qui ne m’empêche pas d’espérer : Mon Dieu, faites qu’au moins, surcroît d’hygiène aidant, on puisse se passer plus aisément encore le savon sous la douche !

Dorine Nhu, Printemps 2020

Un Chemin intérieur

Le 10 avril 2020, il était prévu que je continue de Moissac mon Chemin, commencé devant chez moi en 2017 à la suite d'un vœu. Le 13 mars, lors de l'annonce des mesures du Conseil fédéral, j'ai su que je ne partirais pas.

Certes, j'ai eu un mois pour me préparer à cet aléa. Mais c'est un jalon symbolique et personnel, ce Vendredi saint, jour prévu du départ, au milieu de cette pandémie dont on ignore encore quels seront les effets durables.

En cette période d'incertitude, j'ai envie de me rappeler ce que le chemin accompli jusqu'à ce jour m'a appris et m'a donné. Chaque étape a représenté une leçon, un cadeau ou une évolution. Elles m'ont permis de découvrir combien l'identité de pèlerin vous dépouille des autres oripeaux. Il suffit d'un sac à dos pour devenir l'autre, l'étranger, même dans son propre pays. Il suffit de se mettre en chemin pour mesurer combien de l'eau, un banc, des toilettes publiques propres et un sourire sont des biens essentiels. Randonneuse expérimentée (que je croyais!), j'ai vécu les fameuses ampoules du début comme une leçon d'humilité.

Je risque un parallèle: mi-mars, le confinement a produit un choc, un changement d'habitudes. Certaines personnes ont été gravement atteintes dans leur santé, d'autres sont en deuil, d'autres encore ont perdu leur emploi… Étape par étape, nous suivons notre chemin, nous rappelant peut-être, aussi, comme le pèlerin fatigué, qu'à chaque jour suffit sa peine.

Le chemin de Compostelle m'a amené son lot de belles rencontres… Et de moins belles. Des exemples de ténacité, de bonté désintéressée, et un ou deux personnages plus déplaisants. Le semi-confinement m'a aussi permis de découvrir une magnifique solidarité, d'être humain à autre être humain. Péleriner avec ma vie dans un sac m'a appris à distinguer l'essentiel du superflu: qu'il était pesant, le sac encombré du début! Cette période d'arrêt actuelle nous force aussi, brusquement, douloureusement, à nous interroger sur ce qui fait l'essentiel et le sel de nos vies.

Il s'agit de vivre pas après pas, et, pour d'aucuns, qu'il est long le chemin vers la guérison.

J'ai appris à faire confiance au chemin et à aller selon mes forces, qui fluctuent. Parfois j'ai l'impression de voler, d'autres fois, de me traîner. La plupart du temps, je marche, tout simplement. Et, en ces temps plus immobiles que d'autres, je puise dans mes souvenirs heureux pour illuminer le présent. L'an passé, les étapes jusqu'à Moissac ont été constellées de bonheurs et de rencontres magnifiques. Alors je prends des nouvelles, rêve sur des topo-guides, regarde des photos. C'est l'occasion de s'appeler, de s'écrire et de se dire combien l'on s'aime. Certes, j'ai un pincement au cœur de ne pas partir, et en même temps le sentiment d'être une privilégiée en ayant la santé, un emploi, et en étant utile à ma communauté.

En attendant de repartir, je laisse donc les effets du Chemin se déployer en moi. J'ai une pensée pour les personnes, le long des itinéraires jacquaires, qui en vivent directement ou indirectement. Et, en ces temps de confinement, je pense à celles et ceux qui affrontent solitude non choisie et souffrance. Je viens de perdre un ami, grand arpenteur de sentiers, et c'est une partie de la beauté du monde qui, pour moi, se ternit.

Lorsque j'aurai à nouveau l'énergie, l'envie et de vrais congés, ce sera l'occasion de faire quelques étapes en amont de chez moi, sur la Via Jacobi. Histoire de cultiver cet esprit de Saint-Jacques de Compostelle mais sans s'éloigner encore. En pensée, il y aura une place sûrement pour cet ami décédé qui commentera le paysage par-dessus mon épaule. Le temps des chemins au long cours reviendra.

Emmanuelle, Avril 2020

Pyrénées

Je monte
La terre se dépouille
Encore
Quelques champs violets et roses
Quelques granges serrées
Encore
Quelques arolles fiers
Quelques chants
Encore
Quelques piétinements de bêtes
Quelques fontaines de bois clair
Je monte
Encore quelques pierriers immobiles
Quelques blocs posés
Encore
Quelques torrents qui pleurent
Quelques névés froids
Je monte
Ne reste que le roc
Qui tend au ciel
Et moi
Dans l’ossature du silence

Le couteau, la main et le pain

Couper le pain
N’importe où
Sur le sentier
Sur un sentier

En particulier
En main
Tenir la tranche qui vit
Arrêter ses pas
Les suspendre
Assis sur cette pierre
Ouvrir ses yeux
Voir la beauté du monde
La voir
Oui
Le temps d’une tranche
Mordre
Respirer
Sans les yeux, à présent
Au présent
Rien n’importe
Que le pain, le couteau, la main
Et le vent tiède
Sous le front des chênes

Sibylle Bolli, une pèlerine confinée, qui, posant son regard sur un caillou et une tranche de pain, se souvient… Avril 2020

J'ai marché finalement en mai au départ de Fribourg, toute seule avec mon petit charriot. J'espèrais aller jusqu'à Lausanne en 10 jours, ce qui était déjà un challenge vu mon etat de santé. En fait plus j'avancais et mieux j'allais : j'ai pu arrèter les anti-douleurs au bout de quelques jours !!! Incroyable.

Je suis finalement allée jusqu'à Geneve.

Rapidement les douleurs sont revenues malheureusement et du coup je suis repartie quelques semaines plus tard de Genève à Saint-Julien molin-molette en France !!! Je me suis arrètée avant Le Puy à cause de la canicule qui sévissait à ce moment là et me contraignait à marcher trés tot le matin.

Bref, je suis enthousiaste et addict !!!! Je programme déjà la suite pour mai prochain !

Catherine Dagan-Koninckx,

Viajacobi4

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